Développeurs, ketchup et couteau suisse.

Vous connaissez l'application Yuka ?

Elle est top.

En résumé, Yuka est une application mobile qui permet de scanner les code-barres des produits et d'obtenir une information sur leur impact sur la santé.

L'objectif est de lutter contre la malbouffe, en disposant d'un avis externe sur le produit, dont le packaging nous trompe souvent.

Vous avez une heure

Alors je vous propose un challenge : vous avez une heure pour refaire Yuka.

Impossible ?

Essayons quand même.

Le développeur aborde l'application à coder sous l'angle des fonctionnalités:

  • scanner le code barre du produit avec son téléphone
  • puis rechercher dans une base de données les informations du produit, pour formuler un avis et calculer une sorte de nutriscore

Donc il y a 2 enjeux :

  • Technique : le développement d'une app Android / iOS
  • Data : la constitution d'une base de données de TOUS les produits alimentaires qu'on peut trouver dans un supermarché.

Je vous propose un voyage dans le temps, en explorant 3 méthodes pour faire Yuka en une heure. Attention, vous n'êtes pas prêt pour la 3ème.

Méthode 1 : à l'ancienne

Au départ, Yuka utilisait la base de données Open Food fact https://fr.openfoodfacts.org/. C'est une base de données participative, un peu à la façon de wikipédia.

Excellent point de départ pour obtenir les infos sur les produits ! Il suffit de lire le code barre, puis d'interroger l'API d'Open Food Fact.

On veut que ce soit quand même sympa à utiliser, alors on réalise quelques maquettes Figma. Et puisqu'on manque de temps, on fera un site web mobile-first pour le MVP.

Bon autant être cash : en une heure ça ne tient pas.

Faisons autrement.

Méthode 2 : avec l'IA.

Et si on utilisait les assistants IA qui pullulent ?

Pire : si on essayait le vibe-coding ? Vous savez cette nouvelle approche du développement consistant à déléguer l'intégralité du code à l'assistant IA.

Allez. Voici le début du prompt :

Build a very minimal mobile-first web app that allows users to:
Scan a barcode using their smartphone camera.
Fetch product data from the Open Food Facts API using the scanned barcode.
Display the product info, highlighting its nutrition score.

Résultat ?

10 minutes plus tard, Replit pond un truc qui fonctionne à peu près, avec un code très moyen.

Le code : https://github.com/Herve07h22/NutriScan

Et là miracle, plus besoin des développeurs 🎉.

En moins d'une heure, on obtient un outil fonctionnel SANS EUX.

Comme le code est nul, la clé d'API est exposée, et tu viendras me voir bientôt en me suppliant de réparer ça. Les développeurs auront leur revanche !

Ou pas.

Méthode 3 : sans app

Encore plus radical.

Avec ChatGPT, je créé un agent spécialement dédié à l'analyse de photos des étiquettes de produits.

Pas non plus besoin d'être développeur pour expliquer ce qu'on veut faire. Juste une instruction sous cette forme :

Vous êtes un diététicien spécialisé dans l'analyse des étiquettes de produits. Votre tâche consiste à analyser les photos d'étiquettes de produits, calculer un score de santé de 0 à 10, et fournir une brève justification argumentée (100 mots maximum) pour ce score.
Vous vous concentrez exclusivement sur l'analyse de produits. Vous basez votre analyse sur les informations fournies dans les étiquettes des produits, en évitant les suppositions ou les conseils médicaux.
Vous ne fournissez pas de conseils diététiques généraux, mais vous vous concentrez sur la santé des produits spécifiques.
Vos réponses sont informatives, concises et centrées sur l'analyse des produits. Vous mettez l'accent sur les ingrédients naturels et peu transformés.

L'avantage de cette méthode est qu'il n'y a plus besoin de scanner de code-barre. Ni d'interroger de base de données.

L'analyse se base exclusivement sur l'étiquette du produit (celle qu'on ne lit jamais, en tout petit, imposée par la législation)

Et moi qui pensait que bio c'est bien

Avec cette approche, il est possible d'améliorer l'agent en lui fournissant des documents scientifiques sur la nocivité de certains ingrédients.

Ainsi, la fenêtre d'une heure est 100% consacrée au coeur du sujet : qualifier l'impact du produit sur la santé. On s'est débarrassé de considérations techniques.

Alors quel avenir pour les développeurs ?

L'IA ne va pas tuer le métier de développeur en codant à leur place.

Mais elle pourrait tuer certaines applications que les développeurs fabriquent.

La palette des logiciels qu'on utilise dans nos entreprises ou à la maison pourrait bien se rétrécir. Des logiciels poussés dehors par des assistants IA polyvalents, capables de réaliser un grand nombre de services juste en leur demandant.

Un peu à la façon d'un couteau suisse du futur, plus performant que les fourchettes, ciseaux, couteaux, tire-bouchon, et (ok vous avez l'idée je crois).

Mais des perspectives nouvelles apparaissent sur la façon de repenser nos logiciels sous l'angle de leur utilisation. En réfléchissant à les rendre conversationnels par exemple.

En sortant de l'UI qui domine les 40 dernières années : celles des formulaires, des menus déroulants, et des clics sur des boutons.